Suite de l’arrêt de la chambre criminelle du 14 avril 2021 – meurtre de Sarah Halimi

https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/404_14_46872.html

La loi de 1810, article 64 du code pénal, déqualifiait de délits ou de crimes les infractions en

cas de démence. Qu’est-ce que la démence ? et y a-t-il démence chez tel sujet ? Voilà les questions

principales que soulevait cet article d’exception pénale. La loi de 1994 article 122-1 amendée en

2014, dépénalise complètement ou partiellement le commettant des infractions si trouble mental.

La question est donc : y avait-t-il trouble et jusqu’à quel point au moment de la commission des

faits.

Mais en fixant deux catégories juridiques : abolition au 1er alinéa, ou altération au 2e,

l’aspect médico-légal de la question suscite des controverses sans issue, sauf à décider qu’en

pratique, in concreto (expression de l’avocate générale), en cas de trouble reconnu, il y a plus ou

moins altération selon le cas réel.

A l’endroit de KT, le Dr W… Daniel Zagury pour le nommer, a expertisé en se conformant à

la lettre et l’esprit médico-légal du deuxième alinéa. Le rapporteur et l’avocate générale pensent, à

tort me semble-t-il, qu’il a exclu (ou déduit cette exclusion selon une expression pseudologique),

l’abolition du fait du délit antérieur de consommation de cannabis. Pas du tout, car il a écrit dans sa

conclusion : “Par contre, la nature des troubles dépassant largement les effets attendus, justifiait

que son discernement soit considéré comme ayant été altéré. Dans cette phrase, Dr W… dit

clairement et distinctement que si les troubles n’avaient pas dépassé les effets attendus, son

discernement ne serait pas considérablement altéré, pas au point que sa neuropsyché soit troublée,

médicalement parlant à cause de l’effet de la drogue.

En conséquence de cette expertise rationnelle, pas extrême, donnant lieu à procès d’assise,

l’instruction pouvait se clore par renvoi. Or, la juge obnubilée par l’alternative inhérente à l’article

122-1 : altération ou abolition, a voulu confirmation ou infirmation d’un collège de 3 experts,

lesquels ont conclu à l’abolition du discernement; ce qui dans l’incertitude a conduit les (?) juges

d’instruction à faire usage de l’article 706-120 du code de procédure civile : transmission au

procureur, lequel saisit la chambre de l’instruction. Appel des parties civiles et du Procureur de la

République. (Ordonnance du 12 juillet 2019)

La chambre de l’instruction, 16e chambre, après nouvelle expertise d’un collège sollicité par

les parties civiles (le professeur Henri Baruk, médecin chef de La Maison Nationale de Charenton*,

membre de l’Académie Nationale de Médecine et grand médecin hébreu devant l’Eternel, disait que

la collégialité dilue la responsabilité, et que souvent les experts se confortent successivement

confraternellement), et désignés par la chambre, tranchait le 19 décembre 2019 en faveur de

l’irresponsabilité pénale.

Pourvoi des parties civiles devant la chambre criminelle de la Cour de Cassation. 14 avril

2021, rejet : la chambre de l’instruction a statué au fond souverainement avec certitude en toute

légalité. La chambre criminelle jugeant en droit a réduit à néant souverainement tous les moyens

des demandeurs.

Beaucoup de citoyennes et de citoyens français et d’autres nations se sont émus avec sens

commun de ce déni de justice.

La Cour de Cassation publiait un communiqué de presse le même jour disant :

«La question posée à la Cour de cassation :

« Lorsqu’elle est à l’origine d’un trouble psychique, la consommation de produits stupéfiants

constitue-t-elle une faute qui exclut l’irresponsabilité pénale ?

« La réponse de la Cour de cassation :

« En cohérence avec la jurisprudence antérieure, mais pour la première fois de façon « aussi

« explicite, la Cour de cassation explique que la loi sur l’irresponsabilité pénale ne « distingue pas

« selon l’origine du trouble mental qui a fait perdre à l’auteur la conscience de ses actes.

« Or, le juge ne peut distinguer là où le législateur a choisi de ne pas distinguer.

« Ainsi la décision de la chambre de l’instruction est conforme au droit en vigueur.

« Les pourvois formés par les parties civiles sont donc rejetés. »

Dans le cas de Kabili Traoré, la question légale à laquelle devaient répondre les

instructeurs n’est pas celle de l’origine de son trouble psychique mais de sa responsabilité

pénale complète ou pas. Donc le communiqué de la cour de Cassation induit le peuple français en

erreur.

La seule question au regard de l’article 122-1 est : que l’origine du trouble neuropsychique

soit toxique volontaire avec ou sans connaissance des effets possibles, en tout état de cause jusqu’à

quel point le discernement et le contrôle était-il diminué ? La loi envisage la dépénalisation totale en

cas d’abolition. 1° Les juges n’ont aucune obligation d’aller jusqu’à cette extrémité quoi qu’en disent

les experts. Souverainement ils peuvent décider de l’altération. 2° Même s’ils décident en faveur de

l’abolition et de l’irresponsabilité pénale, quoi, dans le droit positif, leur interdirait légalement de

renvoyer devant la cour d’assise compétente pour juger, et non seulement instruire, à la différence

des juges d’instruction, des faits puis de la peine compte tenu des éventuels troubles

neuropsychiques ? Rien sauf l’usage qui s’est établi. 3° Les juges d’instruction et de l’instruction en

appel ne sont pas tenus par la loi de distinguer l’origine etc. pour décider de la responsabilité pénale

et la nécessité de cette distinction n’est pas évidente bien qu’elle soit certainement souhaitable dans

certains cas, en particulier exotoxiques. Toutefois la loi n’empêchait aucunement les juges de

rechercher l’origine du trouble. Cependant le juge d’instruction pour informer légalement et la cour

d’assise pour juger légalement peuvent-ils faire cette recherche de distinction selon l’origine d’un

trouble psychique afin d’exclure l’irresponsabilité pénale ? La loi ne prévoit pas cette exclusion à

l’exclusion de responsabilité, ou cette exception à l’exception de responsabilité. Il faut et il suffit

pour les juges et le jury de décider sagement, prudentiellement qu’il n’y a pas abolition totale, mais

que le jugement de la peine sera bel et bien individualisé.

Légiférer ? comment ? En supprimant l’alinéa 1 de l’article 122-1 du code pénal ; ce qui supprimera

les entraves que les magistrats se sont mis eux-mêmes. Cet alinéa d’abolition surajouté qui excède le

cas d’altération du discernement est cause d’une confusion turbide dans le pouvoir judiciaire et dans

la nation, abrogeons cet alinéa en excès. Le but est de retrouver, restaurer de la confiance et de la

justice, de la confiance par la justice.

Subsidiairement, l’amendement à l’alinéa 1 proposé par l’assemblée nationale exclurait l’application

de l’alinéa 1 et renverrai à l’alinéa 2 donc à procès. Amendement : sauf si ce trouble résulte de la

consommation de produits stupéfiants ou d’alcool.

Une commission d’enquête ad hoc est formée par la chambre des députés.

Il est permis de penser à un citoyen au nom de qui les décisions judiciaires sont prises

qu’elles auraient pu être différentes. Vis à vis de KT, les juges d’instruction de la plainte avec parties

civiles, les juges de la chambre d’instruction en appel, et les juges de la chambre criminelle

connaissant du pourvoi pouvaient respectivement statuer en faveur de la responsabilité avec

altération du discernement et du contrôle des actes de KT. En effet, au vu ( je n’ai pas encore l’arrêt

de la Ch. d’Instruction, et l’ordonnance des juges d’instruction n’est pas communiquée), de l’arrêt de

rejet du pourvoi, du rapport du conseiller et de l’avis de l’avocate générale, les principaux motifs de

rejet des moyens des demandeurs sont :

1° la souveraineté des juges du fond

2° et le juge ne peut statuer en droit là où la loi est muette.

Or la souveraineté a des limites qu’indique le rapporteur. Le pouvoir jurisprudentiel s’étend à

l’interprétation de la loi, strictement en matière pénale. Les juges du droit n’ont pas voulu, comme

ils l’auraient pu, juger que les motifs et le dispositif de l’arrêt dépassaient la souveraineté des juges

en particulier sur les deux moyens et leurs branches : 1° – constater avec certitude la

méconnaissance des effets; 2° – contradiction du motif entre antisémitisme et abolition du

discernement. Ils pouvaient d’office aussi relever la dénaturation de faits.

Voici pourquoi succinctement :

1° CONSCIENCE :

Quelle conscience KT avait-il des effets ? Les juges de l’instruction se contentent d’affirmer qu’il

n’en avait aucune conscience puisqu’aucun élément du dossier d’information n’indique qu’il en

avait. Ils ne peuvent donc avoir de certitude de son inconscience, alors qu’il avait des antécédents.

La chambre criminelle se contente de dire que les juges du fond sont souverains alors qu’elle

pouvait aussi bien dire qu’elle n’avait pas motivé leur soi-disant certitude.

2° CONTRADICTIONS :

Il y a plusieurs contradictions.

– D’abord dans les termes : « Ce trouble psychotique bref » quatre mots antinomiques, car chronique

signifie longue ou d’évolution lente, et bref signifie le contraire. Cela n’aurait pas dû échapper aux

juges du fond et du droit, car c’est dénaturer les faits.

– Ensuite, déclarer qu’une reconstitution ne peut apporter d’élément tranchant ne va pas dans le sens

de soumettre ses hypothèses à une contre-épreuve. L’examen médical pour reconstituer l’état mental

au moment des faits non observé de visu sur le champ est trop hypothétique pour décider de

l’abolition totale, l’altération est le seul jugement acceptable dans de pareilles conditions extrêmes,

car personne, en présence des éléments rassemblés de la cause, ne peut affirmer que l’individu

n’avait plus aucun discernement. Il eut fallu, mais c’est une fiction, que quelqu’un eût pris le

contrôle total de ses actes. Comme l’a rappelé le rapporteur, « L’appréciation des charges cesse

d’être souveraine si les motifs énoncés par la chambre de l’instruction sont entachés de

contradiction, ou hypothétiques, ou encore si les juges ne tirent pas les conséquences de leurs

propres constatations. » Mais n’ayant pas constaté ces contradictions ils n’en ont pas tiré les

conséquences.

– Enfin dans son rapport complémentaire, le docteur W… expose qu’“aussi profonds soient les

désordres psychiatriques, il demeure toujours une part d’appréciation du réel” dans la bouffée

délirante et que “H… Z… lors de son passage à l’acte criminel, dans le contexte de la bouffée

délirante aiguë, peut très bien avoir entrevu fugacement les conséquences possibles de son crime et

avoir cherché à le présenter comme un suicide (SPN). On conviendra tout de même que sa conduite

est loin de s’intégrer dans un système de défense organisé.” Cette appréciation est d’une extrême

importance et justifie de s’en tenir à l’altération, discernement fugace donc, loin d’une stratégie

certes, mais cela suffit pour estimer qu’il y a un reste possible de discernement. Au lieu de cela tous

les juges préfèrent la position extrême : abolition qui fait passer de la catégorie responsabilité

atténuée à la catégorie irresponsabilité et pas de procès. L’antisémitisme reconnu objectivement

dans la bouffée de haine délirante n’est contenu que dans cette bouffée, selon six experts et les juges

contre un expert. Mais la Torah n’est pas un fantasme projeté sur un livre quelconque, elle est réelle

chez Mme Halimi, le dit chandelier est une réelle ménorah (ou une hanoukia), Mme Sarah Halimi

est réellement juive et identifiée comme telle bien avant les faits par le tueur, il est dès lors

raisonnablement impossible d’exclure un lien avec la réalité. Il fallait donc conclure, avec raison et

modestement, à une altération qui ne peut aller jusqu’à l’abolition. Peu importe que par ailleurs et

dans un autre moyen soit soutenue et rejetée la thèse de l’exclusion. Les réponses 4 à 6 aux

questions complémentaires posées étaient nettement théoriques et explicitement hypothétiques : «

4. Le fait que M. Z… évoque d’abord un démon (daimon figure tutélaire attachée à la personne

étymologie grecque, alors que sheitan = satan racine sémitique et sens culturel différent comme on

lit dans le récit de la tentation des évangiles, enseignement à Médine postérieur à celui de l’oncle de

Mohamed Waraqa pieux érudit juif à La Mecque, et qui se retrouve peut-être, je ne suis pas assez

connaisseur, dans une sourate ; quelle manie de substituer un mot à un autre et de trahir la lettre et

l’esprit !), puis une personne humaine traduit simplement l’aspect chaotique de l’état mental de M.

Z…. 5. Le fait de ne pas savoir pourquoi on a agressé une personne et pas une autre ne relève pas

obligatoirement d’une amnésie. Le diagnostic “d’amnésie partielle” n’est pas suffisamment étayé.

L’aspect éventuellement utilitaire du tableau clinique, pourrait laisser penser qu’il ne s’agit pas

d’une réelle amnésie mais peut-être d’une simulation d’amnésie. Nous n’avons pas d’argument en

faveur de cette hypothèse. Il existe aussi des amnésies lacunaires qui peuvent correspondre à des

mécanismes inconscients de défense du moi contre des contenus perçus comme dangereux, pour le

moi inconscient. Cette hypothèse ne peut être considérée comme vérifiée, l’hypothèse inverse non

plus d’ailleurs. De plus, l’amnésie partielle alléguée peut traduire aussi la réalité d’un stockage

mnésique discontinu dans l’état clinique de bouffée délirante aiguë. 6. L’agression d’une personne

et non d’une autre qui est considérée dans la question comme “une capacité à sélectionner” la

victime ne prend pas en compte d’autres événements susceptibles d’intervenir dans le

déclenchement du comportement. Ainsi, il peut y avoir des éléments inhibiteurs du comportement

pour certaines victimes potentielles (c-à-d.?). Mais il n’y a pas, a priori, de capacité de sélectionner

sa victime, dans une bouffée délirante aiguë. Seule compte la réalité délirante. » Mais a posteriori ?

Et la réalité délirante est décrite dans l’absolu du phénomène bouffée délirante, et n’est pas

une description clinique du sujet au moment des faits dont les experts n’étaient pas témoins.

Dans la réponse 7, ils estiment sans intérêt une reconstitution. On est beaucoup plus dans un

discours psychiatrique, certes étayé par des témoignages de proches sur la personnalité du sujet en

dehors du moment des faits.

La voici in extenso : 7. La distinction entre les deux termes est parfois difficile. Mais la

reconstitution n’est pas obligatoirement le meilleur moyen de choisir le terme qui parait le plus

adapté. Ici le témoignage des P…, du beau-père et du mis en examen paraissent être les meilleurs

éléments à notre disposition. Une reconstitution des faits ne peut, à notre sens, apporter d’élément

tranchant quant à l’altération ou l’abolition du discernement. C’est la reconstitution la plus précise

possible de la réalité psychique du sujet (en l’état un épisode délirant) qui est la clé de la

compréhension de l’acte.

Donc ces experts essaient d’expliquer l’acte, mais ils évitent, fuient la réalité plus ou moins

reconstituable des faits. Rendre compte plus ou moins de la réalité de la neuropsyché leur convient,

mais confronter leurs hypothèses incertaines à la réalité la plus précise possible des faits et gestes,

ils l’éludent. C’est un peu compréhensible car ils ne sont pas les juges d’instruction. En revanche,

pourquoi les juges d’instruction se laissent-ils influencer vers l’abolition, cas extrême s’il peut

exister, plutôt que l’altération ? Les juridictions d’instruction s’éloignent du sens commun, et aussi

de la prudence intellectuelle qui doit les caractériser.

QUELS MOYENS D’OBTENIR UN PROCÈS ÉQUITABLE ?

« Il n’apparaît pas, dans l’état du dossier, que M. Z… soit dans un état qui l’empêcherait de se

défendre devant une juridiction pénale. » (rapport p. 75)

Il n’y a aucune décision émanant d’une juridiction de jugement. Donc aucune décison ayant la force

de la chose jugée. A priori une plainte auprès du procureur de la république à condition qu’il

poursuive, doit être possible. Des témoins nouveaux ou qui n’ont pas été entendus, des actes qui ont

été refusés seraient-ils de nature à permettre une nouvelle instruction ?

Commission parlementaire (à la demande de Mme la ministre Beloubet)

Commission d’enquête chargée de rechercher d’éventuels dysfonctionnements de la justice et de la

police dans l’affaire dite Sarah Halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant

leur renouvellement, composée le 22 juillet 2021.

Alain Desaint 22 août 2021

*Nommée en 1973, Hôpital Esquirol (EPS)

 

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