Pensions, analyse du propos de M. François Bayrou commissaire au plan

PENSIONS DE RETRAITE

Analyse du propos de M. François Bayrou commissaire au plan

« Les Français  peuvent-ils débattre (…) éclairés  (…) en connaissance de cause » ? peuvent-t-ils « se fier à ces « constats (8 ci-dessous) établis de la manière (se prétendant) la plus impartiale  et comprendre la signification des chiffres qui les traduisent » ? Quels débats ? au parlement si le 49-3 brandi par la première ministre ne l’interompt ! Un débat populaire, encore faudrait-il qu’un référendum soit prévu ! Un vrai débat démocratique pourra-t-il avoir lieu ?

En tout état des débats futurs institutionnels ou informels, essayons d’y apporter une lumière supplémentaire. Quid des 8 constats du commissaire au plan ? Les voici avec nos commentaires.

  1. « Les ordonnances de 1945 (…) ont institué un régime de retraites par répartition. (…) paiement des pensions de retraite à la charge des actifs qui les financent par leurs cotisations. »

    Les ordonnances de 1945 concernent les salariés (i.e. en lien de subordination) avec un employeur qui verse les cotisations au pot commun appartenant exclusivement aux salariés (une part de leurs salaires indivis). Les fonctionnaires de l’Etat relèvent du Statut de la fonction publique institué en 1945 et du code des pensions civiles et militaires, pas des ordonnances de la sécurité sociale. Les professions libérales et autres indépendants n’ont pas de régime légal obligatoire, toutefois la sécu. leur est grande ouverte par des cotisations volontaires de même taux au régime général.

  2. « (…) Ce principe est inscrit dans la loi depuis le 20 janvier 2014 (art. L.111-2-1 c. sécu) » ?

    LOI n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

    I. ― L’article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
    1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. ― » ;
    2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
    « II. ― La Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations. Le système de retraite par répartition (des cotisations exclusivement) assure aux retraités le versement de pensions en rapport avec les revenus qu’ils ont tirés de leur activité (salarié). Ce libellé volontairement flou pour faire place à la capitalisation et/ou à l’étatisation (par ex. « Système Universel de Retraite-SUR »), en modifiant la lettre des ordonnances modifie l’esprit de solidarité entre travailleurs salariés en la forme exclusive de cotisations. Ni impôt, ni capital, ni emprunt. C’est ce système de pures cotisations pour financer par répartition les pensions des ayants droit «  qui unit les générations ».

    « Les assurés bénéficient d’un traitement équitable même cotisation même droit ? – au regard de la durée de la retraite comme du montant de leur pension, quels que soient leur sexe, leurs activités et parcours professionnels passés, leur espérance de vie en bonne santé, les régimes dont ils relèvent et la génération à laquelle ils appartiennent.

    « La Nation assigne également au système de retraite par répartition un objectif de solidarité vague, il y a ou il n’y a pas solidarité – entre les générations et au sein de chaque génération, notamment par l’égalité entre les femmes et les hommes, par la prise en compte des périodes éventuelles de privation involontaire d’emploi, totale ou partielle, et par la garantie d’un niveau de vie satisfaisant pour tous les retraités.
    « La pérennité financière du système de retraite par répartition est assurée par des contributions réparties équitablement entre les générations et, au sein de chaque génération, entre les différents niveaux de revenus et entre les revenus tirés du travail et du capital. Pour le commun des mortels, un revenu tiré du capital ne s’appelle pas revenu d’activité. Novlangue ! Ce n’est plus tout à fait en cohérence avec ce qui est dit à l’alinéa 1 : en rapport avec les revenus qu’ils ont tirés de leur activité. Elle suppose de rechercher le plein emploi. » C’est la solution au problème qu’il faut poser en amont des 8 points de M. F. Bayrou.

  3. « (…) « En réalité lorsqu’est abordée la question de son équilibre et de sa pérennité, ce système devrait être considéré comme un tout puisqu’au bout du compte c’est l’Etat, au nom de la Nation, qui est appelé à en assurer l’équilibre général. »

    C’est avant tout le plein emploi qui doit faire l’équilibre de tout l’ensemble des régimes de répartition, sinon de chacun. La loi vient de le dire, nous y reviendrons in fine. Ce qui est devenu un fait selon FB doit-il devenir le droit, c’est-à-dire que l’Etat assume l’équilibre général ? Dans une situation exceptionnelle peut-être la Nation pourrait vouloir décider d’un tel plan, mais provisoire, sinon le système change de nature ; en effet, de répartition il passerait à étatique (« bévéridgien »). Est-ce que la nation veut cela ? Non à une très large majorité, dit FB. Il faut donc redresser cette situation anormale aujourd’hui au regard du principe de répartition des cotisations, plutôt que vouloir l’entériner par une nouvelle loi pour l’Etat, le bon berger, encore plus sauver le système de répartition préféré des Français.

    Pour assainir la situation, il faut séparer ce qui relève de la nation : fonctions publiques et assistance publique (non contributive ?) à financer par l’impôt, d’une part ; d’autre part, ce qui appartient aux régimes particuliers des salariés du domaine privé et des professions indépendantes.*

  4. « (…) qu’au delà des cotisations dont il est normal que l’Etat et les collectivités publiques s’acquittent en tant qu’employeurs, au-delà de la compensation (des exonérations) les caisses ne pourraient pas être en équilibre sans concours financiers publics complémentaires. »

    Des régimes, caisses en déséquilibre ou pas, peuvent fusionner ou bien la solidarité entre les régimes s’appliquer. L’ « équilibre sans concours financiers publics complémentaires » est possible, ne serait-ce que par les exonérations non compensées (voir 6e constat).

  5. « Le total de ces versements « de droit commun » de l’Etat et des collectivités publiques employeurs, additionné (…) aux compensations (de toute nature) se monte à 113 Md€. (…) on constate (…) un besoin (d)’apport de (…) 30 Md€ indispensable pour les caisses qui subissent les effets d’une démographie défavorable (f.p. Etat, f.c.t., f.h.p., r.s.p., exploitants agricoles).

    M. Bayrou aligne ici à tort les régimes des fonctionnaires et celui des exploitants. Ainsi, la fonction publique est par définition financée par l’impôt des contribuables. Les cotisations et les « sur-cotisations publiques ne sont que la transposition du coût réel du personnel des fonctions d’Etat. (En cas de défaut ce serait la banqueroute, la dernière remonte au règne de Louis XVI qui a convoqué les états généraux pour pallier …).

    Les exploitants agricoles, professionnels indépendants, relèvent de MSA. Leur cas résulte au moins partiellement d’une évolution historique et économique spécifique, d’où revenus et cotisations souvent faibles à très faibles pour beaucoup. L’équité doit en tenir compte, à quoi s’ajoute la démographie réduite. Cependant elle tend à se stabiliser. Le déficit MSA, en diminution certaine, est compensé, dit la note, par la taxe sur les boissons « 2,9 Md€ ».

  6. « (…) La situation est la même dans une moindre mesure pour une part (?) du régime général.

    Quel part du régime général est déficitaire « dans une moindre mesure » ? Combien ? Pourquoi ?

    Le secrétaire général de la FEC FO (journal des employés et cadres N° 160) dit : « (…) les exonératons de cotisations aux entreprises (sans aucune contrepartie) s’élèvent à plus de 150 Mds€. »

  1. « Cette charge complémentaire, issue de l’obligation que l’Etat se donne d’équilibrer globalement notre système de retraite porte les cotisations retraite des agents de l’Etat à un niveau très élevé.  Pour leurs fonctions publiques (…) cotisations (…) plus élevées : 30,6% f. c.t., f.h.p. ; 74,3% f.civil.E. ; 126,1% militaires.

    Les sur-cotisations publiques découlent des engagements de la Nation vis à vis de ses serviteurs.

  2. « Globalement notre protection vieillesse obligatoire est (…) en déficit structurel important.»

    La répartition fonctionne très bien en temps réel : régime général 3% de frais de gestion. Outre la longévité et les engagements vis à vis des fonctionnaires pris depuis deux générations, la cause principale du « déficit » et le remède, reconnaît le COR, est l’emploi. Remontons un peu le passé, la souveraineté et l’emploi ont été compromis depuis plusieurs dizaines d’années par des abandons tels que désindustrialisation et récemment Alcatel, Alstom, énergie nucléaire, prix de l’électricité dissocié de son coût de production en France… et peut-être bientôt des pans rentables d’EDF.

Alain Desaint, 28 décembre 2022

* Le tableau des dispositifs explicites dit de redistribution rend compte de ce qui relève de l’assistance publique : 53,2 Md (2016) ou 60,9 Md en comptant carrières longues et taux plein invalidité inaptitude. Faut-il intégrer les taxes 2,735 Md et subventions 4,81 Md d’Etat aux régimes spéciaux ?

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